LES MAINS, UN LANGAGE SILENCIEUX
Les mains d’Elsa
Louis Aragon – Le Fou d’Elsa
(Extrait – Éditions Gallimard, collection Blanche)
Donne-moi tes mains pour l'inquiétude
Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé
Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé
Lorsque je les prends à mon pauvre piège
De paume et de peur de hâte et d'émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fond de partout dans mes mains à moi
Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m'envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli
Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots
Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D'une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d'inconnu
Donne-moi tes mains que mon cœur s'y forme
S'y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement.
Les mains occupent une place singulière dans nos vies. Elles agissent, créent, rassurent, protègent. Elles expriment parfois ce que les mots n’osent pas dire.
Dans Le Fou d’Elsa, Louis Aragon évoque les mains comme un refuge, un langage silencieux, un lien profond entre les êtres. Cette vision résonne particulièrement dans notre pratique médicale, où la main est à la fois un organe fonctionnel et un vecteur d’humanité.
Chaque jour en consultation, ce sont des mains douloureuses, raides ou fragilisées que nous rencontrons. Des mains qui n’arrivent plus à écrire, à travailler, à jouer d’un instrument, à accomplir des gestes simples du quotidien. Derrière ces limitations, il y a toujours une histoire, une inquiétude, parfois une perte de confiance.
Soigner la main, ce n’est pas seulement restaurer une fonction. C’est permettre à chacun de retrouver un lien : avec son travail, ses passions, ses proches.
En cette fin d’année, ce texte nous rappelle l’essentiel : prendre soin des mains, c’est préserver ce qui nous relie aux autres et au monde.
Merci à tous les patients, confrères et partenaires pour la confiance accordée tout au long de l’année. Que la nouvelle année soit placée sous le signe de la transmission, du soin et du lien humain.